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Prologue

Publié chez Les Éditions La Plume D'or

Design graphique par Julie Larocque d'Atelier Larok

Elle se réveilla d’un coup sec dans le noir. Son cœur frappait sur sa cage thoracique tel un prisonnier secouant la grille de sa cellule. Le cognement répétitif de son organe lui rappelait le métronome dans ses cours de piano. Tic-toc, tic-toc, tic-toc. Elle haïssait ce son et la mégère qui lui servait d’enseignante, une idiote qui par manque de talent, était devenue professeure.

À bout de souffle, elle aspirait l’air avec difficulté. Elle allait peut-être avoir besoin de pompes, finalement, comme son médecin le lui avait prescrit. Du moment qu’elle pouvait continuer ses études, elle se foutait du reste.

Au réveil, elle croyait s’être redressée droite dans le lit. Mais à mesure qu’elle sortait du brouillard du sommeil, elle se rendit compte, au contraire, qu’elle était toujours allongée sur le matelas. Un instant, elle eut l’impression de flotter à la surface d’un lac opaque et noir. Son cerveau cherchait les détails familiers de sa chambre: le bout de son lit en fer forgé, le tapis moelleux qui lui caressait les pieds au levé, sa grande bibliothèque antique. Le lampadaire de rue en face de sa fenêtre, aussi, qui éclairait sa chambre en permanence. Or, l’endroit où elle se situait était plongé dans les ténèbres.

Peu à peu, des ombres se formèrent dans la petite pièce et les murs blancs se dessinèrent. Elle devina les contours du fauteuil où elle avait lancé ses vêtements la veille. Sur sa peau, la texture râpeuse des draps en coton bon marché la démangeait, de même que la douillette en fausse laine qui la tenait au chaud lui écrasait les poumons. Elle oublia le rêve qu’elle venait de quitter précipitamment, puis leva les yeux vers la petite lumière rouge dans le coin de la pièce. La lumière de la caméra braquée sur elle.

 

Son sommeil avait toujours été capricieux. Petite, elle se réveillait en pleurs, la nuit, terrorisée par les cauchemars. Les adultes appelaient ça le stress. On lui avait dit que c’était normal. À l’université, un manuel scolaire lui avait appris qu’elle souffrait d’anxiété de performance. Tout au long de ses études, son sommeil irrégulier lui avait permis de rédiger ses travaux, faire ses lectures et étudier en vue du prochain examen. De sortir avec les garçons et de faire la fête, aussi. Du moment qu’elle était première de classe, on lui fichait la paix.

 

Elle se concentra sur sa respiration. Inspire, expire. Inspire, expire. Ses parents l’avaient obligée à faire du sport pour évacuer son stress. Patin artistique, soccer, ringuette… Ils l’avaient inscrite à toutes les ligues. Elle n’avait plus un seul moment à elle.

Dans la petite chambre, elle ne réussissait pas à rattraper son souffle. Quelque chose de lourd comprimait sa poitrine. Un poids sur sa cage thoracique. Elle tenta de lever le bras pour pousser ce qui entravait sa gorge, mais il resta immobile. Elle essaya ensuite de remuer les jambes pour se lever. Rien. La panique naissant au creux de son ventre, elle concentra toute son énergie à bouger son corps. Encore là, aucun de ses membres ne lui répondit, comme si des liens invisibles la retenaient cloîtrée au lit. Elle tenta de parler, d’appeler à l’aide, mais ses lèvres demeuraient soudées. Elle prit conscience que bientôt, elle ne serait peut-être plus en mesure de respirer. 

 

Soudain, toutes les pensées qui se bousculaient dans sa tête se turent d’un coup. Du coin de l’œil, elle avait aperçu du mouvement. Sur son bras nu, un léger souffle avait caressé sa peau. Quelqu’un s’était déplacé juste à côté d’elle. Les sens en alerte, elle guetta un nouveau geste. Alors qu’elle aurait dû être rassurée par la présence toute proche qui pourrait la secourir, elle eut plutôt un mauvais pressentiment. Pourquoi la personne restait-elle tapie dans le noir? Pourquoi ne lui adressait-elle pas la parole? Elle voulut à nouveau appeler à l’aide, avertir cette personne de sa condition, mais son corps ne réagissait pas. N’inspirant plus qu’un mince filet d’air, elle se sentait tranquillement glisser vers l’inconscience.

 

Tout à coup, une ombre se matérialisa dans son champ de vision. Rassemblant le peu de force qu’il lui restait, elle se força à quitter la douceur de l’endormissement pour remonter à la surface. Une dernière tentative avant de sombrer pour de bon. Lorsque la forme noire se pencha, elle distingua un visage. Ce fut le moment où elle comprit que l’être dans la salle était responsable de son état. Il était là pour se venger, et avait gagné.

 

Avant de disparaître dans le noir, un cri de terreur retentit dans sa tête.

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